Il me restait du rose

dessin


Il me restait du rose est une vérité, celle d’un excès de peinture qui ne voulait pas sécher sans prendre forme.

Je le sais, elle me l’a dit.

La peinture parle, il suffit de tendre les yeux pour voir ce qu’elle a à nous dire.

Son langage est pluriel et sa voix s’incarne à travers les siècles sur des tableaux qui aujourd’hui nous sont familiers. Alors, sans en connaître nécessairement la grammaire, j’écoute cette langue de formes et de couleurs raconter la vie, l’instant, l’éphémère et l’universel.

 

C’est un travail « D’après », comme un hommage, comme une jalousie, comme une montagne, toute la beauté qui est déjà là. Il me restait du rose et aussi l’envie d’être avec tous ces artistes l’espace d’un instant. Des humains faits de chair et de sang. Et ce rose, c’est ce que mon œil retient. Des corps, des fragments, des mains, des visages, des cuisses et des chevilles qui jaillissent hors des vêtements, des natures mortes qui racontent les peintres derrière les objets. 

 

C’est un travail du souvenir. Que me reste-t-il de ces pigments ? 

 

De mes amis, de mes proches, je connais les visages, les gestes, les mouvements. Les vêtements et leurs usages, pour la plupart, disparaissent de ma mémoire. Il en est de même pour les tableaux. Je connais le sourire de Mona Lisa, la position de ses mains mais le reste m’échappe. Sa robe comment est-elle ? Et le paysage à l’arrière du tableau ? La Cène, Jésus et les apôtres, que mangent-ils ? Est-ce que la table possédait une nappe ? Il n’y a aucun personnage dans La Chambre de Vincent à Arles, pourtant Van Gogh me semble être partout.

 

Finalement, ce qui fait pour moi l’essence d’un tableau, c’est ce qui l’incarne. Et si cela est valable pour des représentations figuratives, pour moi ça l’est tout autant pour la peinture abstraite. Incarner n’implique pas seulement la chair mais bel et bien un souffle, celui de l’artiste, ce souffle qui permet à l’œuvre de traverser le temps.

Si le rose est optimiste et enfantin, je ne le veux ni réducteur ni décoratif. La peinture est une joie qui me racontent des histoires et qui, par conséquent, enrichit la mienne.

 

Il me restait du rose, et puis j’en ai refait. Pour de rire, pour la poésie, pour égayer la vie.

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